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— Oh, ta gueule.

Il me regarde avec de gros yeux et je le laisse en plan au bar, lui et sa bière dégueulasse, pour retourner sur la piste évacuer un peu de chaleur en dansant. Je sens des yeux qui me suivent et les ignore, ondulant gracieusement sur la vague musicale qui berce le public. Ce mec a beau être con, je lui suis reconnaissant de m'avoir emmené dans un aussi bon club. L'entrepôt ne paye peut-être pas de mine mais ses occupants, eux, ont de quoi faire oublier ce décor glauque.

Du coin de l'œil j'aperçois le DJ, le casque sur les oreilles en train de préparer la suite de sa programmation, et j'hésite un instant à tenter de le corrompre. En même temps, pour quoi faire ? J'ai déjà l'impression qu'il lit dans ma tête pour passer tous ces morceaux qui me font vibrer, presque sortis de ma propre playlist.

Des mecs tournent autour de moi, quelques goths avec leurs pantalons en cuir un peu trop serré, et je suppose que mes fringues noires leur donne l'impression que je fais partie de leur bande. Je m'en fous de ce qu'ils croient, je joue avec un eux un moment, les laissant m'effleurer avant de disparaître plus loin avec un sourire mesquin.

Une fille me rejoint alors et je la laisse danser avec moi, flirtant ouvertement pour la mener un peu en bateau. Mais bizarrement, elle ne semble pas intéressée, et me surprend soudain en me tirant par le poignet pour m'entraîner à l'écart.

— Tu fais quoi, là ? demandé-je en récupérant mon bras avec un air un peu agacé.

— Le DJ veut te voir, tu montes ?

Je lève un sourcil, dubitatif.

— Tu veux me faire monter ? Ma belle, t'as pas ce qu'il faut pour tirer ce que tu veux de moi.

— Toi non plus belle gueule, tu manques de poitrine, rétorque-t-elle en riant.

C'est bien ma veine, ça : une lesbienne… ça va être quoi le suivant, un trans ?

— Bon, tu montes ou tu restes planté là comme un con ? ajoute-t-elle en ouvrant la barrière de l'escalier.

— Si tu le demandes si gentiment…

Je la suis jusqu'au balcon, faisant gaffe à ne pas passer un pied entre les étroites marches de fer, et rase le mur jusqu'à la plateforme où sont installées les platines. Plongé dans l'ombre, son occupant ne réagit pas à notre présence, jusqu'à ce que la nana lui donne un léger coup de poing. Il se retourne alors pour lui claquer les fesses et en m'apercevant, pose enfin son casque pour s'intéresser à nous.

— Dégage Tesa, dit-il en la chassant.

— Au plaisir, Eelis.

Elle fait demi-tour et me dépasse avec un clin d'œil provocateur qui me laisse de marbre.

— Approche, m'appelle-t-il alors.

Un sourire au coin des lèvres, je m'avance jusqu'à m'appuyer légèrement sur ses platines et découvre que sous les ténèbres qui l'enveloppent se trouve un mec magnifique, grand et carré, au visage de tombeur. Son t-shirt noir est un peu trop serré, soulignant les courbes fermes de son torse ainsi que ses biceps, et mon regard suit lentement sa pomme d'Adam, le petit bouc noir et ras qui orne son menton, puis ses lèvres pulpeuses, jusqu'à ses yeux aussi noirs que les courtes mèches dressées sur le dessus de sa tête.

— Je t'ai vu danser, dit-il d'une voix grave qui résonne agréablement.

Je me contente de sourire en mettant mes mains dans mes poches arrière, exposant volontairement mon corps d'une légère cambrure, et le regard brûlant qui me parcourt de haut en bas récompense l'effort.

— Qu'est-ce qu'il te faudrait pour rester jusqu'à la fermeture ? demande-t-il en s'arrachant de sa contemplation.

— Que tu me fasses danser, tiens.

Je lâche un petit rire et le laisse s'approcher encore, jusqu'à poser sa main sur ma hanche.

— Qu'est-ce qui te ferait danser ?

Sa bouche est toute proche de mon oreille, y déversant cette chaude voix profonde, et je crois que s'il m'avait demandé de me mettre à poil je me serais sûrement exécuté.

— Tu t'en sors bien pour l'instant, susuré-je en effleurant sa mâchoire de mes lèvres.

Sa main remontre lentement sous ma chemise, caressant le creux de mes reins, mon flanc, puis son pouce frotte mon mamelon et je me retiens de gémir en mordant ma langue.

Il sourit encore, les yeux brillants de luxure, et sa main vient frôler ma clavicule, mon cou, avant de se poser sur ma nuque pour basculer légèrement ma tête sur le côté. Il se penche au même moment et je ferme les yeux en attendant un baiser ; au lieu de ça, sa langue vient langoureusement tracer la courbe de mon cou avant qu'il ne morde délicatement derrière mon oreille.

Ma gorge émet un bruit proche du grondement, signalant mon appréciation en même temps que mon incapacité à articuler le moindre mot, et il rit de ma petite démonstration d'excitation.

— Danse pour moi, chuchote-t-il d'une voix légèrement rauque.

Un frisson me parcourt l'échine et j'acquiesce lentement, gardant l'espoir que dans la semi-obscurité la rougeur inhabituelle de mes joues reste inapercue. Son bras passe alors autour de ma taille et il se penche par-dessus moi pour faire le changement de chanson.

Les beats sont remplacés par un lent coulissement de violon et je frémis une nouvelle fois dans ses bras. Il laisse le morceau tourner et glisse sa main libre sous mes cheveux, massant avec douceur l'arrière de mon crâne. Son regard me transperce et ma conscience semble s'effacer au profit de l'instinct tandis que j'ondule contre lui, prenant soin de ne pas rompre la liaison visuelle.

You push me up to this state of emergency…

Il bouge avec moi, contre moi, m'enivrant de son odeur, de la chaleur de ses mains qui sont partout à la fois sur moi, glissant sur ma peau comme un million de particules avides de contact.

Is where I want to be…

Je ferme les yeux et renverse la tête en arrière. Son souffle caresse ma gorge offerte, précédant sa bouche moelleuse qui vient s'y poser. D'une traînée humide, elle remonte sur mon menton qu'il embrasse en me basculant lègèrement en arrière, ses mains dans mon dos me retenant de m'effondrer au sol. Je me laisse faire comme une poupée.

Deep inside of me…

Je retrouve le contrôle de mes bras et m'en sers pour les nouer autour de son cou. Je l'entends glousser tout bas, trahi par les vibrations de son corps, et relève soudain la tête pour m'emparer de sa bouche, qu'iI le veuille ou non. Mais alors que je pensais enfin contrôler quelque chose, il recule et m'entraîne avec lui pour nous plaquer contre le mur. Il se met alors à m'embrasser sauvagement, suçant ma langue dans sa bouche et mordillant mes lèvres à chaque reprise de souffle. Cette fois-ci, je me laisse aller à gémir, et tant pis pour la retenue.

Il faut que sa cuisse force son chemin entre les miennes et vienne se frotter contre mon enjambe pour que je me rende compte que je suis non seulement dur, mais aussi proche du point de non-retour. Il vient d'ailleurs le vérifier d'une caresse de la paume et je m'arque dans ses bras en grondant, priant pour qu'il aille jusqu'au bout et me sorte de cette situation inconfortable.

Au lieu de ça, sa langue déserte ma bouche, ses mains se posent fermement sur mes hanches et il halète au creux de mon oreille :

— Redescends, sinon je t'allonge sur la table et ça ne serait pas raisonnable…

Je m'en fous de ce qui est raisonnable et lui fait savoir en attrapant sa nuque pour continuer le baiser, mais il me stoppe d'un doigt sur la bouche. Ce sourire vicieux a le don de m'énerver et je plisse les yeux en m'écartant, dégoûté qu'il me laisse comme ça.

— Tout à l'heure, souffle-t-il en s'amusant de ma colère. Amuse-toi d'ici là…

J'entends un cliquetis et la seconde d'après, un bracelet en métal vient encercler mon poignet, gravé d'une rose noire.

— … aux frais de la maison, bien sûr.

Il me fait pivoter sur moi-même sans attendre mon accord, écarte mes cheveux pour embrasser une dernière fois mon cou et me pousse les fesses en me chassant. Je pars sans me retourner, encore énervé par son côté manipulateur.

— Putain, pour qui il se prend, ce mec… grommelé-je pour moi-même.

De retour au bar, je m'accoude à une des extrémités et commande deux shots de tequila pour me refroidir l'esprit. Malgré moi, je sens encore le goût de ses lèvres sur les miennes, l'odeur de son parfum sur ma peau et l'effet qu'il provoque est indéniable ; ça fait longtemps qu'un mec ne m'a pas autant fait bander.

Le barman attrape le billet que je lui tends mais lorsque le bracelet dont je suis maintenant affublé reflète la lueur des néons, il le repose avec un sourire complice. On ne s'est pas foutu de moi, alors… j'avale un troisième shot pour la peine et retourne sur la piste en riant. Puisqu'il veut attendre, alors je ne vais pas lui rendre l'attente facile.

Let my body burn, let my body swirl around you…

Lui et sa foutue musique… je me laisse entraîner et ferme une seconde les yeux, un sourire aux lèvres en songeant à ce qui en train de lui passer par la tête.

Come to taste my, come to taste…

Lorsque je les rouvre, des silhouettes se sont approchées, vampires attirés par l'odeur de mon sang qui pulse au rythme de la musique. Je les laisse me séduire eux aussi, m'amusant de leurs prédictibles réactions, de leur frustration de ne pas pouvoir me toucher. Un beau mec s'est placé derrière moi, grand, blond, du genre que je ramène chez moi habituellement. Je le fais savoir à mon admirateur en levant les yeux vers lui, et bien que seul le blanc de son casque soit visible d'ici je devine son regard posé sur moi, envieux.

Je laisse l'inconnu effleurer mes hanches, mon ventre, et pose une seconde mon dos contre son torse pour l'encourager à continuer, à toucher mes cuisses serrées dans ce jean noir, à faire couler son souffle dans mon cou. Je devine la jalousie qui le consume. Pourtant, lorsque blondie me propose d'aller faire un tour, je m'écarte et me retourne pour lui faire face. Il suffit que je secoue la tête pour qu'il comprenne, ou peut-être est-ce à cause du rictus cynique, et il s'écarte avec un petit air déçu.

Je sens que je vais bien m'amuser ce soir.

Les verres défilent aussi vite que les mecs et pourtant, je ne me sens pas bourré. Je soupçonne vaguement le barman de couper mon alcool avec de l'eau mais pas le courage d'aller vérifier, surtout que je m'en moque au fond. Les morceaux qui s'enchaînent me laissent déjà une saveur d'ivresse que j'ai rarement connue, appelant tels des aimants mes cellules à se mouvoir.

Je revois Tesa à un moment et lui accorde une danse, y gagnant la perte de ma chemise qu'elle emporte avec elle. Je la suis vaguement des yeux et aperçois sa robe de vinyle rouge flasher au balcon. Alors c'est comme ça, il confisque ma chemise pour m'empêcher de partir ?

Quel imbécile, comme si j'en avais l'intention.

Un premier flash de lumière me rappelle l'heure qu'il est, ça et le retour de mon compagnon de départ qui me signale que si je veux rentrer, c'est maintenant ou jamais. Je l'envoie paître sans ménagement, ignorant son expression dépitée, et le peu de conscience que je possède ne semble pas s'en formaliser ; c'est peut-être la seule partie de moi bourrée, en fin de compte.

Alors que la salle se vide lentement, une dernière chanson est lancée, et dès les premières notes je ne peux retenir un immense sourire. C'est sa façon de me dire d'attendre… Je m'avance au centre de la piste, les bras croisés sur mon torse brillant de sueur, et lève les yeux dans sa direction. Cependant, ils ne rencontrent qu'un espace sombre et vide. Où est-il passé ? Je fronce les sourcils et soudain, deux mains m'encerclent la taille.

L'odeur qui m'assaille est familière et je pose ma tête sur l'épaule offerte en gloussant.

I'm going hunting…

— Je peux avoir celle-ci ? murmure-t-il avant d'embrasser le cartilage de mon oreille.

Je me retourne et pose mes mains à plats sur ses pectoraux, m'imprégnant de leur chaleur et du lourd battement de son cœur à travers le tissu. D'ailleurs, en parlant de tissu… je saisis le bas de son t-shirt et le passe par-dessus sa tête en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, avant de le jeter de toutes mes forces au loin. Il rit de ma petite manœuvre et me plaque contre lui, peau contre peau, muscles contre muscles.

Mes mains suivent les lignes de ses dorsaux pendant que ses lèvres suivent celles de mon cou, migrant petit à petit vers ma bouche, et j'écourte son petit jeu en tournant la tête pour réclamer mon dû.

— Impatient, dit-il après un long baiser.

— Tu comptes me faire attendre longtemps encore ?

Il rit une nouvelle fois et ses mains se posent sous mes fesses pour me soulever lestement dans ses bras. Je noue mes jambes derrière son dos et me laisse porter jusqu'au bar, où il m'assoit.

— Je ne suis pas sûr que le proprio va être d'accord, fais-je remarquer alors que ses prunelles sombres me laissent présager la suite du programme.

— Au contraire…

— Qu'est-ce que t'en sais ?

— C'est moi, le proprio.

J'ouvre la bouche avec surprise mais le sens de la parole me fait soudain défaut, à son grand amusement. Il en profite pour y glisser sa langue et j'oublie complètement ce que je voulais dire, profitant simplement de l'instant. Mes mains encadrent son visage, le maintenant en place le temps que je m'abreuve de sa salive, et lorsque ma faim est finalement comblée, il s'écarte et me fait tourner sur le comptoir. Je me laisse allonger sur la surface miroitante et le regarde prendre appui sur ses bras pour m'y rejoindre.

I'm the hunter…

Il me surplombe, à quatre pattes au-dessus de moi, et je comprends qu'il a déjà gagné et que quoi qu'il veuille à présent, il l'aura. Je ne vois pas comment je pourrais résister à ça .

— Pourquoi moi ? demandé-je tandis qu'il s'étend sur moi, transmettant son irradiante chaleur à travers ma peau moite.

— On ne voyait que toi ce soir, répond-il simplement. Tu dégageais cette aura, une espèce de charisme qui attirait le regard de tout le monde.

— T'exagère…

— Tous les mecs de la salle ont tenté leur chance avec toi.

— Nan…

— Je te le promets, j'ai failli en virer un ou deux qui te collaient de trop près.

Je hausse les sourcils mais il paraît sérieux. Du bout des doigts, je caresse ses lèvres pleines, qu'il lèche malicieusement en resserrant ses jambes de chaque côté des miennes ; il vaudrait mieux que je me tienne tranquille si on ne veut pas tomber tous les deux de notre perchoir.

— Je ne suis pas encore à toi, dis-je avec un rictus malicieux.

— Et ça, alors ? répond-il en donnant un petit coup de tête contre mon bracelet.

— Tu crois que tu peux m'acheter ?

— Tu as dis « pas encore »…

Je ne peux me retenir de glousser et il me fait taire d'un nouveau baiser, un peu plus long, un peu plus passionné, dont je me dégage une fois le souffle coupé et le cœur battant à toute allure. Ses lèvres migrent aussitôt vers ma gorge, qu'il mordille avant de descendre vers mon torse, brûlant ma peau à leur passage, capturant mon mamelon pour le téter avec insistance. Je me cambre subitement mais il me retient plaqué au bar et je me vois obligé de lui empoigner l'arrière des cheveux pour le faire cesser, inquiet à l'idée de mettre fin trop tôt à ce petit jeu.

Il se redresse alors, assis sur ses chevilles, et m'invite d'un petit geste à l'imiter. Je m'empresse de m'exécuter, pressé de retrouver la douceur de ses lèvres. Comme une chorégraphie savamment orchestrée, il se relève petit à petit, me forçant à quitter sa bouche pour la remplacer par la chaleur de son torse, de ses abdominaux. Il contracte ces derniers pour me faire sentir la dure vallée de ses muscles et pendant ce temps, mes doigts jouent avec le bouton de son jean, tripotant l'objet jusqu'à le faire céder. Le tissu libère son joli postérieur de son emprise et sans laisser le temps à son propriétaire de réagir, je passe les pouces sous sa ceinture et le descends jusqu'à mi-cuisses.

Je n'ai aucune idée de ce à quoi ressemblent ses sous-vêtements car ils disparaissent dans le même mouvement, le laissant nu devant moi dans toute sa splendeur. Alors qu'il se redresse totalement, je glisse en avant entre ses jambes, une main posée derrière moi pour me stabiliser et l'autre sur sa fesse. Puis j'enfouis mon nez dans la rase toison de son entrejambe, inhalant longuement la source de son odeur pour sentir ma propre excitation étirer douloureusement mon jean.

Peu importe, je l'ignore et sors la langue pour la passer à la base de son sexe, sur ses bourses, le goût puissant de sa chair me faisant encore plus tourner la tête. Il pose une main sur ma nuque et me guide vers sa queue, impatient de me voir passer aux choses sérieuses. Je m'exécute avec plaisir, emprisonnant son gland pourpre entre mes lèvres avant de les faire glisser le long de son manche, pas assez loin à mon goût mais bien trop à celui de ma gorge qui émet un hoquet d'inconfort. Mon amant soupire bruyamment et je souris autant que possible, ravi de lui faire cet effet.

Ma bouche glisse lascivement sur sa chair tendue, l'enveloppant d'une couche de salive avant de s'attaquer expertement à l'extrémité, m'attirant des gémissements de bien-être alors que ma langue s'active sur ses zones sensibles. Tout en alternant entre sucer et griffer délicatement du bout des dents, satisfait de le sentir frissonner à ce contact, ma main pétrit tendrement sa fesse pour le faire avancer progressivement dans ma bouche. Quelques minutes de plus et je prends ma respiration avant de l'engloutir complètement, nichant mes lèvres contre son bas-ventre alors que ma gorge se charge du massage de son gland.

— Mmm, oui, Jussi… gémit-il bruyamment.

Je le libère pour reprendre mon souffle et lève des yeux interrogateurs vers lui : où a-t-il appris mon nom ? Au lieu de me répondre, il recule un peu, les yeux voilés par le plaisir, et d'une manœuvre compliquée se libère de ses derniers vêtements avant de se retourner. Je me rallonge pour ne pas le gêner et il se positionne à nouveau au-dessus de moi, plaçant sa queue luisante au niveau de ma bouche. Je n'attends pas une seconde pour l'y glisser, à peine conscient de me faire déshabiller, à peine conscient de ses lèvres sur mon érection douloureuse.

Mais lorsqu'il se met à sucer lui aussi, un rush de sensations vient se concentrer dans mon entrejambe et je me mets instinctivement à le pomper plus fort, ajoutant à mon action des gémissements étouffés qui ne manquent pas de le faire réagir. Cependant, il abandonne rapidement mon sexe trop sensible pour soulever mes jambes et les faire passer derrière ses bras. Je tente un instant de protester mais son épaisse queue étouffe mes mots et lorsque sa langue vient se glisser entre mes fesses, j'oublie pour de bon mes arguments. C'est juste trop bon…

— Du calme, halète-t-il soudain en se mettant hors de ma portée. Si tu continues on ne va pas aller plus loin…

Aller plus loin, je n'attends que ça ! Il recule à quatre pattes et me laisse le champ libre pour me débarrasser à mon tour de mes vêtements. Je me place à genoux, dos à lui, et il ne tarde pas à venir se coller derrière moi comme je l'espérais. Son sexe mouillé se loge confortablement entre mes fesses et j'ondule le bassin pour l'inviter à faire autre chose que simplement s'y frotter.

— On t'a déjà dit que tu étais impatient ? souffle-t-il d'une voix terriblement rauque à présent.

— Ferme-la et baise-moi, grondé-je en tournant la tête et empoignant ses cheveux pour le forcer à m'embrasser.

Il fourre sa langue dans ma bouche sans discuter et se sert d'une main pour pincer mes tétons tandis que l'autre guide son sexe vers mon entrée. Je commence à haleter dans sa bouche et il me calme de lentes caresses sur les hanches, les maintenant en place alors que son bassin pousse doucement sa queue en moi. Je lâche un cri étouffé lorsque son gland force la première barrière, tout juste aidé par son lubrifiant naturel, et tandis qu'il s'écarte pour me laisser souffler un second cri m'échappe, violent, qui résonne dans toute la pièce ; d'un seul coup de reins, il vient de s'enfoncer en moi jusqu'à la garde, et la terrible douleur accompagnant l'impression de m'être faire déchirer en deux se propage lentement dans mon corps.

— Est-ce que je te baise assez bien ? ronronne-t-il à mon oreille.

— Ça fait mal, putain…

— La barrière entre le plaisir et la douleur est mince…

Je me permets de douter de ses paroles, compte tenu de l'absence totale de plaisir qui fait office en ce moment. Pourtant, une fois le va-et-vient entamé, une fois ses lèvres occupées à téter mon cou et ses mains à me branler en rythme, le changement s'opère et toute la violence de la douleur se change en un plaisir tout aussi insupportable.

Il me positionne à sa guise, changeant de quelques millimètres l'angle d'approche en fonction de mes gémissements, jusqu'à ce que son gland vienne frotter avec insistance ma source de plaisir. Le tintement des verres accompagne la force de ses coups tandis qu'il fait trembler mon corps contre lui et que ma gorge laisse échapper une litanie de gémissements et paroles incompréhensibles.

— Tu étais magnifique à danser mais tu es encore plus magnifique maintenant, souffle-t-il en tournant ma tête sur le côté.

Je me force à ouvrir les yeux et à regarder notre reflet dans le miroir derrière le bar. Son corps mat, puissant, épousant à la perfection les courbes du mien, conduisant sa queue gonflée entre mes fesses rondes tandis que la mienne se fait langoureusement masturber par ses doigts appliqués. Et ses yeux, noirs, insondables et pourtant débordants d'excitation, qui me dévorent de l'intérieur. Son regard, c'est ça qui va me faire perdre pied, son foutu regard… quelque chose comme : maintenant.

— Oh, OH, OOOOH ! crié-je en me crispant subitement.

Son pouce presse mon gland et je me mets à éjaculer copieusement dans sa main, sur le bar, de chacun de mes pores alors qu'il me martèle de ses incessants et délicieux coups de reins.

— Relax, bel ange, murmure-t-il à mon oreille. Ça commence tout juste…

Et là, je commence à comprendre dans quoi je me suis embarqué.

Le reste de la soirée n'est qu'un flou incertain dans ma mémoire, je me souviens d'avoir touché le sol à un moment, de m'être retrouvé allongé sur une table, accroché à son cou alors qu'il me portait comme un fétu de paille… puis ce délire avec la bière, les bières même, et alors que je perdais du nombre de fois où il m'a fait jouir, une dernière vague de plaisir m'a plongé dans les ténèbres de l'inconscience.

 

La lueur du jour me sort doucement de ma catatonie et après quelques essais infructueux, mes yeux parviennent enfin à s'ouvrir. Ma tête est enfoncée dans un moelleux oreiller blanc, entouré d'autres semblables, et une couette duveteuse d'un gris satiné couvre le reste de mon corps. Tout ça pour dire : je ne suis pas chez moi.

Oh, bon sang, je ne suis pas chez moi.

Je me tourne brusquement et une vive douleur dans le bas de mon dos m'informe de la stupidité de cette manœuvre. Alors quoi, me voilà cloué dans ce lit inconnu, à la merci de quiconque m'y aura amené ?

Non, pas quiconque… des bruits de pas étouffés par la moquette me parviennent alors que mon hôte avance dans la chambre. Mon regard se pose sur sa silhouette, encore humide au sortir de la douche, et habillée d'une simple serviette nouée à la taille.

— Bonjour, dit-il de cette même voix grave qui m'a bercée tout au long de la soirée.

Je me contente d'un léger signe de tête et le regarde s'asseoir sur le lit, près de moi. Ses cheveux sont à peine secs, ébouriffés de façon presque artistique ; j'ai envie d'y passer la main sans trop savoir pourquoi. En tout cas je n'ai pas rêvé hier, c'est bien un canon, avec son corps musclé, son teint mat et ses yeux, d'un brun sombre à la lumière du jour, qui me font toujours frissonner.

— Je vais faire le petit déjeuner, tu veux quelque chose en particulier ?

Je secoue la tête cette fois-ci et il ne me reproche pas mon silence. Au lieu de ça, il tend la main pour effleurer doucement ma tempe, puis se lève et disparaît hors de la pièce. Si je le pouvais, je bondirais du lit pour attraper mes fringues et m'éclipser par la fenêtre, mais ma condition ne semble pas s'y prêter ; ça, et le fait qu'on soit sûrement au moins au cinquième étage, à la vue des toits rouges qui s'alignent derrière la fenêtre.

Je n'ai pas le temps de pousser la réflexion au delà de cette stupide idée d'escapade qu'il revient déjà, un plateau dans les mains et accompagné d'une délicieuse odeur qui fait gronder mon ventre. Je remarque qu'il a troqué sa serviette contre un boxer blanc et alors que j'ai pour habitude de trouver cette couleur ringarde, elle lui va indécemment bien.

— Café, tartines et jus d'orange, ça te va ?

Je hoche la tête et il dépose le plateau sur mes genoux avant de reprendre sa place à mes côtés, assis contre les coussins. Le silence est de rigueur tandis que je mordille dans mon pain, d'une part embarrassé de me retrouver chez un quasi-inconnu après une soirée complètement délirante et de l'autre, incapable de réfréner mes coups d'œil curieux vers mon compagnon de lit.

— Ça va ? demande-t-il finalement après avoir posé sa tasse à café vide sur la table de nuit.

— Mmm, grogné-je distraitement.

— Je suis désolé de ne pas t'avoir ramené chez toi mais je ne connaissais pas ton adresse et je ne voulais pas fouiller dans tes affaires.

Je me rends subitement compte qu'après ce petit black-out, quelque part sur un ampli de l'entrepôt, je n'ai pas le moindre souvenir de ce qui a bien pu se passer, et la possibilité d'avoir fait un milliard de choses plus embarrassantes les unes que les autres me provoque une soudaine bouffée de chaleur.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

Je tourne la tête vers lui et la probable rougeur de mes joues semble l'intriguer.

— Je crois qu'il me manque quelques souvenirs, avoué-je d'une voix inhabituellement rauque.

— À partir d'où ?

— Je me souviens d'avoir bu de la bière…

— Bu ? répète-t-il en riant.

— Quoi ?

Il se penche vers moi et pose sa main sous ma mâchoire, encadrant délicatement mon visage pour me chuchoter au creux de l'oreille :

— Je ne pensais pas qu'on pouvait faire ça avec une bière…

Un flash me traverse l'esprit, accompagné d'une honte sans fond qui me fait m'enterrer la figure entre mes mains. Non, je n'ai pas fait ça… bon sang, mais qu'est-ce qui m'a pris ?!

— Désolé…

— Je plaide aussi coupable, réplique-t-il en écartant mes doigts pour me regarder en face. Après ça, on a un peu déconné et à un moment, tu es à moitié tombé dans les pommes…

Ah, il y a bien eu un black-out, et pas juste une surdose d'alcool qui a embrumé mes sens.

— … alors je t'ai ramené avec moi ici.

— Comment ?

— J'ai un chauffeur.

Ça sera toujours l'humiliation de comater dans un taxi d'évitée.

— Je t'ai fait prendre un bain avant de te coucher, on était un peu… poisseux.

— J'imagine, oui.

Un peu trop bien même. Pourtant, je n'arrive même pas à faire semblant d'être dégoûté ; après tout, si c'est avec lui, je ne dirais pas non pour remettre ça…

Dire que c'est la première fois que je m'évanouis comme un bleu à ce genre de soirée et que bien sûr, il fallait que je choisisse un des mecs les plus doués et sexys que je n'ai jamais eu pour le faire… bien joué Jussi, bien joué. Next time, il ne manquera plus que tu vomisses dans sa voiture et le tableau sera complet.

— Moi non plus je n'ai pas l'habitude, lâche-t-il brusquement en s'intéressant à un des tableaux pour éviter mon regard.

— De quoi ?

— Tout ça, ramener un mec chez moi, me réveiller à côté, lui servir le petit déj'… ce n'est pas le genre de truc que je fais.

— Alors pourquoi tu l'as fait ?

— J'en sais rien. Sans doute parce que je n'ai pas non plus l'habitude de prendre autant mon pied.

Ouais, moi non plus, mais pas question que je l'avoue. Il finit par me jeter un coup d'œil embarrassé et je souris à cette expression ; c'est plutôt à moi de me sentir mal qu'à lui... Il me renvoie alors mon sourire et quelque chose d'étrange me traverse l'esprit : pourquoi est-ce que ça ne me dérange pas ? Habituellement, voir le visage de mes coups d'un soir le lendemain me provoque une indifférence proche du mépris, voire du dégoût si le manque de parure artificielle ne parvient pas à masquer leurs traits fades. Mais là, tout ce que je vois c'est ce beau mec qui m'a fait bander toute la nuit, un mec sans artifices et sans prétention, et si je n'avais pas aussi mal partout je lui aurais sûrement sauté dessus pour un repeat.

— Je déteste me réveiller avec quelqu'un, dit-il doucement. À chaque fois, je m'arrange pour partir avant qu'ils n'émergent, et généralement je ne les revois plus.

— Moi non plus.

— Pourtant ce matin, lorsque tu dormais…

Ses doigts effleurent ma joue et inconsciemment, je me penche vers sa paume pour accentuer le contact.

— … je ne pouvais pas te quitter des yeux.

Il s'avance et je ferme automatiquement les yeux, toujours sous l'emprise de son maudit charme, pour le laisser m'embrasser tendrement. Ses lèvres sont toujours aussi douces, sa langue toujours aussi chaude, et je murmure tout bas alors que ce simple baiser réveille mes instincts.

— Il faut… commence-t-il en s'écartant à peine, sa bouche contre la mienne, ses yeux dans les miens.

— Mmm ?

— Je dois y aller, rendez-vous important. Si je reste, je vais te faire mal…

Je comprends ce qu'il veut dire alors que mon envie de le voir continuer ce qu'il a commencé se manifeste de plus en plus fort, submergeant ma raison qui me souffle que je ne suis pas en état de faire quoi que ce soit.

— Tu peux rester aussi longtemps que tu veux, fais comme chez toi. La porte se ferme automatiquement en partant.

Il se lève avec une lueur de regret dans les yeux et je le regarde enfiler une chemise et un pantalon noir, se concentrer à nouer sa cravate, et c'est bien la première fois que je trouve quelqu'un aussi séduisant habillé que nu. Il disparaît quelques instants, le temps d'enfiler une veste et des chaussures, et j'ai du mal à détacher mes yeux de lui lorsqu'il revient se pencher vers moi pour un dernier baiser.

— Appelle-moi, quand tu veux, conclut-il en me glissant une carte entre les doigts.

Et dans un froissement de tissu, il part pour de bon, me laissant complètement hébété entre ses draps.

« Eelis Lautanen » indique le rectangle de carton. Je m'apprête à le jeter mais une force invisible me retient, me poussant à le poser sur la table de nuit à la place. Oh et puis merde, pas envie de réfléchir pour l'instant, puisque j'ai un droit d'asile alors autant profiter de cette chambre grand luxe. Mes yeux se ferment et je retourne me blottir sous la couette, un sourire satisfait sur le visage.

Lorsque je refais enfin surface, l'après-midi est déjà bien entamé et je me traîne en grimaçant à la salle de bain pour me sortir de mon demi-sommeil. Son gel douche sent bon, un mélange de plantes et de minéraux qui me rappelle son odeur, et je me surprends à m'attarder sous le jet pour en profiter encore un peu.

Posés près du lavabo m'attendent mes vêtements, soigneusement pliés, et je ne mets pas longtemps à remarquer qu'ils ont été lavés et séchés depuis hier soir. Un caleçon blanc est également posé sur le dessus de la pile, substitut de mon boxer sale que je portais encore au réveil, et je l'enfile sans trop me poser de questions. Au pire, il sera toujours temps de le lui rendre plus tard.

Bien que l'envie me démange de fouiner un peu partout dans l'appartement, je ne fais pas long feu dans ce petit paradis et attrape mes affaires avant de sortir ; le ciel est sombre, menaçant, et ce n'est pas avec la diffuse douleur qui me fait traîner des pieds que je vais pouvoir éviter l'averse à venir. Je me résous à héler un taxi pour me rendre au bureau, décidé à affronter la colère de mon coéquipier tout de suite pour ne pas lui donner l'occasion de saturer mon répondeur. Entre mes doigts, la petite carte que je fais tournoyer semble m'appeler elle aussi, et je la glisse dans ma poche pour l'empêcher de m'influencer.

— Jussi ! crie Matti alors que je mets un pied dans le bureau.

Il se jette pratiquement sur moi et me secoue avec un air réprobateur.

— T'étais où ?! C'était la réunion de projet aujourd'hui, je peux savoir en quel honneur tu m'as planté ?

Merde, la réunion… j'avais complètement oublié. Je soupire et lui fait remarquer que tout le monde nous regarde, me faisant de ce fait harponner jusqu'à la salle de repos dont il ferme la porte.

— Vas-y, je t'écoute, dit-il en croisant les bras, adossé à la porte.

— Je ne me suis pas réveillé…

— Tu déconnes là, je t'ai appelé dix fois ce matin et tu n'as même pas décroché !

J'attrape mon téléphone portable dans ma poche et vois en effet « dix messages en absence » ; il est en mode silencieux.

— J'avais coupé le son, lâché-je bêtement en lui montrant l'objet.

Il m'arrache le téléphone des mains et le lance sur la table derrière moi avec colère.

— Explique-moi ce que t'as foutu, sincèrement.

— Ok, ok… j'étais avec un mec.

— Putain, Jussi ! s'énerve Matti en tapant du poing contre le mur. Tu peux pas penser avec ton cerveau plutôt qu'avec ta queue de temps en temps !

— Je suis désolé mais ce n'était pas censé arriver… je me suis réveillé chez lui dans un état pas possible…

— Chez lui ? Depuis quand tu passes la nuit chez un mec, toi ?

— Depuis aujourd'hui, apparemment.

Alors que cette conversation commence à m'agacer, je sens Matti devenir étrangement inquiet, et sursaute lorsqu'il me pose soudain une main sur le front.

— T'es sûr que tu vas bien ? C'est pas ton genre de manquer une réunion, et je te trouve un peu bizarre…

— Moi aussi, je me trouve un peu bizarre.

Je lui raconte sans détail ma soirée de la veille, ainsi que mon réveil chez Eelis et son comportement ambigu ce matin. Mais ce qui l'étonne surtout, c'est de voir sa carte qu'il m'a laissé, et que contrairement à mes habitudes je n'ai pas jeté.

— Tu vas l'appeler ? lâche Matti sur un ton incrédule.

Là est toute la question… est-ce que je vais l'appeler ?

**

— Il n'a pas appelé, soupiré-je en posant ma joue sur la surface froide du bar.

— T'es lourd, Eelis, ça fait une semaine que tu me répètes ça.

Tesa s'accoude près de mon visage pour tapoter mon front avec agacement.

— C'est quoi ton délire avec ce mec ? D'habitude, tu ne veux plus entendre parler de tes coups d'un soir et là, tu me gonfles parce qu'il ne t'appelle pas ?

— Ce n'était pas un coup d'un soir.

— Je ne savais pas que tu étais le genre de type à croire aux coups de foudre et à se languir comme ça, rétorque-t-elle sur un ton dédaigneux.

— Tu ne comprends pas…

— Non, je ne comprends pas justement. Qu'est-ce qui t'arrive ?

Je lève la tête pour croiser son regard mais sa dureté face à la lassitude du mien me fait rapidement baisser les yeux.

— Je n'arrive pas à me le sortir de la tête, voilà ce qui m'arrive. Hier, j'ai amené un mec à l'hôtel et il est rentré chez lui sans qu'on ait fait quoi que ce soit…

— T'as des pannes, toi ? se moque gentiment ma sœur.

— Pire, je n'avais pas envie, soupiré-je en me prenant la tête entre les mains. Il était là, à poil, et moi je ne pensais qu'à Jussi et je lui ai dit de rentrer avant de m'enfermer dans la salle de bain.

— Une vraie gonzesse…

— Même si c'est vrai, je t'emmerde.

Elle me sert une vodka orange que je descends plus vite que l'éclair, désireux d'oublier cette pitoyable soirée, et avec un peu de chance atténuer la douleur qui compresse mon cœur. Depuis une semaine, quand ils ne fixent pas l'écran de mon téléphone portable, mes yeux sont rivés sur la salle à la recherche de son visage. Chaque tignasse brune attire immanquablement mon regard mais à chaque fois, il ne s'agit que d'un banal inconnu.

Ce soir non plus, je ne mixerai pas ; je n'en ai juste pas la force. À l'attendre j'en deviens dingue, et je préfère encore écouter des amis mixer pour moi que de risquer de foirer une soirée à cause de foutus états d'âme. Foutus mecs, tiens…

Les minets se pressent contre le bar et je me lève pour aider Tesa, ayant pitié d'elle à force de la voir courir dans tous les sens ; déjà que barman, ce n'est pas vraiment son job, alors si je ne veux pas me faire incendier je ferais mieux de mettre la main à la pâte.

Quelques mecs me filent leur numéro en payant mais je ne lève même pas les yeux sur eux, le retournant en même temps que leur monnaie. Tesa me glisse des reproches de temps à autre, prétextant que certain d'entre eux sont vraiment magnifiques, mais pour la première fois je me moque de leur apparence. Ce que je veux, c'est autre chose…

Encore quelques heures avant que la foule ne s'écarte du bar pour rejoindre la piste, suffisamment éméchée pour attendre avant de refaire le plein. Ma sœur me regarde avec une pitié déplaisante et je détourne les yeux pour l'éviter, peu enclin à me lancer dans une nouvelle joute verbale avec elle. Qu'elle pense ce qu'elle veut après tout, c'est ma vie, et si j'ai envie d'être malheureux de temps en temps c'est mon droit, non ?

Huit jours. Je sais qu'il n'appellera pas, je sais que c'est fichu et pourtant, je ne peux pas me résoudre à laisser tomber. Qu'est-ce qu'il m'a fait, bon sang… Pourquoi ça fait aussi mal…

— Un sunrise, commande quelqu'un.

Mécaniquement, j'attrape un verre, la bouteille de Tequila, celle de jus d'orange puis celle de grenadine, et quelques glaçons plus tard le dépose sur le comptoir.

— Il y a une durée d'expiration pour ce genre de chose ? ajoute alors mon client en tendant son bras vers moi.

Je baisse les yeux sur sa main et là, fixé autour d'un poignet fin à la peau rosée, un bracelet d'argent avec une rose noire incrustée reflète le violet des néons.

Non, ce n'est pas vrai…

Mon regard remonte lentement le long de son bras, vers son épaule couverte du tissu noir d'un t-shirt moulant, puis son cou long et pâle, et enfin s'arrête dans ses yeux, deux piscines d'un bleu hypnotique qui me coupent le souffle.

— Je…

Il est là, immobile, un léger sourire aux lèvres en m'écoutant bafouiller, et je ne suis pas sûr de pouvoir à nouveau articuler la moindre parole pour lui dire à quel point il m'a manqué. Bon sang, je le trouve encore plus beau qu'avant, encore plus parfait que dans ma mémoire, et par réflexe ma main vient effleurer sa joue pour me prouver qu'il est réel.

Il rougit à mon contact mais ne s'écarte pas, baissant légèrement les yeux pour ne pas que je voie son embarras.

— Je t'attendais, lâché-je enfin.

J'entends Tesa glousser derrière moi mais l'ignore, trop absorbé dans ma contemplation pour me soucier de quoi que ce soit d'autre.

— Tu ne fais pas le DJ, ce soir ? demande-t-il innocemment pour détendre l'atmosphère.

— Non.

— Pourquoi ?

Comment lui dire que son absence ne m'a laissé qu'assez de forces pour survivre, recouvrant ma passion d'un voile de désintérêt inexplicable ?

— Je n'avais personne pour qui mixer, réponds-je doucement en cherchant dans son expression un indice de sa venue.

— Et maintenant ?

— Tu veux que je le fasse ?

Je sens mon cœur battre comme au premier jour, son grondement de tambour résonnant dans ma poitrine à la manière d'une fantastique armée prête à conquérir le monde. Enfin, le seul monde que je souhaite conquérir se trouve juste devant moi, et je ne sais pas si mon cœur sera suffisant pour le gagner.

— Je ne sais pas, lâche-t-il après un moment d'hésitation.

— Vous pouvez aller vous asseoir ? nous interrompt Tesa en me poussant du coude. Tu me gênes là, Eelis.

En effet, je la gêne, et je soupçonne qu'elle tente de compenser mon étrange nervosité en nous lançant dans la bonne direction. Jussi acquiesce silencieusement et je le précède jusqu'à une lounge privée où la musique est moins forte et la lumière tamisée. Il s'assoit sur la banquette de cuir, pas tout à fait en face ni tout à fait à côté de moi, et mon cœur continue de faire de petits bonds en le sentant si près.

— Tu n'as pas appelé, dis-je pour rompre l'oppressant silence.

— Je sais…

Je lui laisse le temps de répondre, quelque part amusé de le voir les yeux rivés sur son verre pour éviter mon regard. Dire que je suis nerveux est sans doute un faible mot mais en tout cas, mon sentiment semble être partagé. J'ai envie de me sentir soulagé par sa présence, après tout il est venu de lui-même, et pourtant quelque chose me retient ; j'ai besoin d'entendre ce qu'il a à me dire d'abord.

— Je ne savais pas comment tu réagirais, avoue-t-il en suçant machinalement le bout de son doigt.

— Réagir à quoi ?

Je suis un peu perdu, là ; est-ce que ce n'est pas moi qui lui ai demandé de m'appeler ?

— Tu as dis que tu ne revoyais pas les mecs avec qui tu couchais…

— J'ai aussi dit que tu étais différent.

— Mais moi… moi non plus, je ne le fais pas, et je ne savais quoi te dire…

J'essaye de me retenir mais trop tard, ma main a déjà traversé la table et vient se poser sur la sienne, délicatement, comme si c'était un papillon que je ne voulais pas écraser. Il sursaute à ce mouvement mais encore une fois, ne s'écarte pas de mon contact. Non, au lieu de ça, sa main se retourne sous la mienne et le bout de ses doigts vient gentiment caresser les lignes de ma paume.

— Tu le sais maintenant ? demandé-je avec une note d'espoir mal dissimulée.

Il penche un peu la tête et ses mèches couleur chocolat coulent sur son visage pour en masquer une partie, déclenchant une terrible envie de me pencher pour les écarter que je réfrène au mieux.

— Tu me fais perdre mes mots, plaisante-t-il alors avec un sourire qui me fait fondre.

— Je peux t'aider à les retrouver si tu veux…

Mes doigts se referment autour des siens pour l'attirer légèrement et il ne repousse pas mes avances, acceptant de glisser sur la banquette dans ma direction. Je fais de même et en un instant, je suis contre lui ; ma main lâche la sienne pour se faufiler autour de sa taille et l'autre se glisse sous ses cheveux pour encercler délicatement sa nuque.

Une lueur d'hésitation passe dans ses yeux mais c'est trop tard pour m'arrêter maintenant, j'ai trop attendu ce moment. Mes lèvres se pressent aux siennes et je me retiens de gémir en resserrant mon emprise, enivré par sa présence, sa chaleur et l'arôme de son corps qui font ressurgir en moi un sentiment d'ivresse. Juste une seconde, il se crispe dans mes bras, et soudain toute la tension s'évanouit pour le laisser se fondre contre moi. Ses mains se nouent derrière mon cou, son dos se cambre pour presser nos torses l'un contre l'autre, puis je sens sa bouche s'ouvrir et sa langue effleurer mes lèvres pour chercher sa compagne.

C'est le moment où je perds pieds, celui où je réponds à son appel et ouvre les lèvres pour l'accueillir, et mon cerveau s'éteint soudain pour passer en pilote automatique. Je commence à sucer sa petite langue chaude, lui provoquant un murmure de plaisir qui m'électrise jusqu'à la racine des cheveux, et il se fait alors lourd dans mes bras pour nous faire basculer sur la banquette.

Je m'étends sur le cuir souple sans le lâcher une seconde, ma main fermement ancrée sous ses cheveux, et le laisse s'installer confortablement sur moi. J'oublie mon sens de la retenue et caresse sensuellement le creux de son dos, ses reins chauds et la courbe ronde de ses fesses encastrées dans un nouveau jean serré. La caresse provoque un petit mouvement réflexe de son bassin et je sens son entrejambe dur contre le mien prêt à exploser.

Le baiser devient alors violent, affamé, sa bouche aussi avide que la mienne d'absorber un maximum de contact, sa langue pressée de se couler contre la mienne pour échanger nos fluides ; sa salive sucrée qui coule dans ma gorge est comme une drogue, la fontaine à laquelle je m'abreuve et qui déchaîne mes pulsions animales. Ma main empoigne ses fesses tandis que je donne un petit coup de reins pour nous frotter l'un à l'autre, satisfait de l'entendre gémir de plaisir. J'ai presque envie de le faire jouir comme ça, coincé par le tissu, et la chaleur qu'il dégage m'indique que ce ne serait pas trop difficile.

— Stop, stop…

Il arrache ses lèvres des miennes pour haleter quelques secondes, inspirant assez d'oxygène pour s'étourdir, et je l'imite en une vaine tentative d'apaiser mes ardeurs. Seigneur, qu'il est beau mon ange, avec ses yeux humides et ses joues écarlates, sa bouche gonflée qui effleure la mienne alors qu'il ne peut se résoudre à s'éloigner de plus de quelques centimètres de moi. Je mordille doucement ma lèvre, puis la sienne, tandis que ses mains viennent encadrer mon visage et ses pouces caresser mes joues.

— Pourquoi j'ai autant envie de toi ? chuchote-t-il en soufflant dans ma bouche.

— J'ai envie de toi aussi, dis-je au cas où il n'en serait pas convaincu.

— Je ne suis pas comme ça d'habitude…

— Moi non plus.

Ses mèches viennent caresser mon visage et j'inspire leur odeur le sourire aux lèvres, leur parfum d'agrumes me rappelant soudain la nuit passée blotti contre lui.

— Tu renifles souvent les cheveux des gens ? plaisante-t-il en tapotant gentiment mon nez.

— Non, seulement de ceux que j'…

Heureusement, je parviens à bloquer mes mots avant qu'ils ne sortent mais à la façon dont son visage devient écarlate et ses yeux écarquillés, je me doute qu'il a deviné la suite.

— J'ai cru devenir fou sans toi, murmuré-je pour lui faire oublier mon faux pas. Je n'avais plus envie de rien ni de personne. Et j'ai cru que tu n'appellerais jamais, que je ne te verrais plus…

— Je n'aurais pas tenu plus longtemps, dit-il en m'offrant un léger baiser.

— Jussi…

Son nom flotte dans l'air comme une douce musique à mes oreilles ; un nom que j'ai envie de répéter encore et encore, peut-être même pour toujours, et à jamais…

— Comment tu as su… ?

— Tesa a harcelé le mec qui t'accompagnait ce soir là.

— C'est ton espionne, cette fille ? demande-t-il avec ce que je perçois comme une once de jalousie.

— C'est ma sœur…

Il reste interdit une seconde avant de se mettre à glousser, amusé de sa propre bêtise, alors que j'effleure tendrement sa nuque en souriant.

— Pardon…

— Je n'ai rien à excuser, rétorqué-je.

On reste ainsi quelques minutes, silencieux et immobiles, ses yeux un peu flous et les miens fixés sur ses pupilles dilatées. Mes doigts se promènent d'eux-mêmes sur son corps, traçant lentement les lignes de sa nuque, son dos et ses fesses ; il semble répondre à mon toucher car d'imperceptibles ondulations suivent leur course, modifiant nos points de contact. Lorsque je lisse ses cheveux et qu'il renverse la tête en fermant les yeux, la vision de sa gorge offerte m'attire inexorablement et je me penche pour l'embrasser. Mes lèvres remontent le long de sa jugulaire, accompagnées par ma langue qui laisse une trace humide sur sa peau blanche, puis arrivé sous son oreille mes dents viennent se joindre à la partie pour le mordiller.

Un long frisson le secoue dans mes bras et je me mets à suçoter son cou, incapable de me contrôler, même lorsqu'il commence à gémir tout haut et que les tremblements de ses hanches sont en train de créer un frottement des plus dangereux.

— Arrête, souffle-t-il d'un ton suppliant.

Je le fais taire d'un baiser dans lequel il s'abandonne, son corps pesant lourdement sur le mien, et alors que je tête sa langue j'oublie peu à peu où l'on est et ce qui se passe, la seule chose comptant encore à mes yeux étant lui et mon envie de le satisfaire. Je me redresse, assis contre la banquette et lui à califourchon sur mes genoux, puis commence à le déshabiller, déboutonnant doucement sa chemise en accompagnant ma progression de baisers. Un premier détour par son mamelon gauche le fait sursauter, avant de se cambrer en gémissant, et ma main non-occupée à malaxer ses fesses vient se poser sur son entrejambe pour le masser sensuellement.

— Eelis…

La façon dont il prononce mon nom me fait frémir et je presse un peu plus fort, impatient d'en avoir plus. Dans ma tête se jouent déjà les scènes à venir, sa jolie queue dans ma bouche alors que je le sucerai jusqu'à l'orgasme, désireux de calmer sa flamme avant de prendre mon temps à lui faire l'amour, délicieusement enfoncé en lui pendant qu'il gémira mon nom de cette manière exquise…

— Hum hum, toussote quelqu'un en toquant contre la table.

Je m'écarte un peu de lui, surpris, et croise le regard réprobateur de Tesa qui vient nous interrompre.

— Vous pourriez prendre une chambre pour ça ! lance-t-elle d'une voix chuchotée pour ne pas attirer l'attention sur nous plus que nécessaire.

Une chambre… mmm, bonne idée ça. Jussi semble tout à coup réaliser ce qui se passe et s'éloigne brusquement de moi, serrant sa chemise autour de son torse et le visage écarlate de s'être laissé allé de cette façon.

— Ça va lapin, rien que je n'ai pas déjà vu, ricane ma sœur en reportant son attention sur moi. La voiture est là, rentrez et je ne veux plus vous voir !

Je me tourne vers mon amant, recroquevillé au bout de la banquette, et tend la main pour l'inviter à me rejoindre.

— Je suis désolé de m'être laissé emporter…

Je ne sais pas si c'est la culpabilité ou le reproche qui le rend méfiant, mais je sens que le charme est rompu pour le moment et qu'il faut que je répare ça vite, si je ne veux pas le perdre encore une fois.

— Jussi, dis-je doucement en m'approchant.

Il me regarde comme un animal blessé et j'ai encore plus envie de lui.

— J'ai besoin de toi.

À présent c'est la surprise qui anime ses traits tandis que ma main retrouve la sienne et l'autre sa taille, l'attirant à nouveau contre moi.

— J'ai besoin de toi, répété-je le plus sincèrement du monde. Rentre avec moi, s'il te plaît…

Je ponctue ma demande d'un chaste baiser qui tout à coup le fait sourire.

— Tu vas encore me faire tomber dans les pommes ?

— Je vais essayer de me contrôler.

Il rit tout bas et je l'embrasse encore, désireux de lui transmettre le bonheur que sa présence me provoque. Il comprend que ce n'est pas un jeu, tout comme je comprends qu'il ne parvient pas non plus à jouer, et dans mon cœur s'allume une étincelle d'espoir que ce que l'on fait est un bon point de départ pour tout ce que j'ai envie de partager avec lui.

— Garde tes distances jusqu'à ce qu'on arrive, grommelle-t-il en reboutonnant sa chemise.

Je me lève et l'entraîne par la main vers la porte de derrière, impatient d'atteindre la voiture et de là, mon appartement.

— Pourquoi, ça fait si longtemps que tu te retiens ? demandé-je tout de même par curiosité.

Il me lance alors un regard qui me transperce, un regard intense qui me provoque un million de frissons et une sensation renforcée d'étroitesse au niveau de l'entrejambe.

— Je ne t'ai pas trompé, chuchote-t-il en me dépassant.

Je me fige brusquement alors que ces mots repassent en boucle dans ma tête, occasionnant une douloureuse pulsation de ma queue. Je ne rêve pas là, il vient de me faire une déclaration…

— Tu n'aurais pas dû dire ça, grondé-je sensuellement.

Il fait l'étonné mais je ne lui laisse pas le temps de jouer la comédie, le poussant à l'arrière de la voiture avant de m'y glisser à mon tour pour m'allonger sur lui. J'ai beau essayer, je ne tiendrai pas jusqu'à la maison… mon empressement semble toutefois l'amuser et à l'abri des vitres teintées, il pose ma main entre ses cuisses brûlantes pour me faire sentir qu'il est prêt lui aussi à entamer les hostilités.

Comment suis-je censé résister à ça ?

 

End

 

© songs : Jòga by Björk, Sister Misery by Charon, Hunter by Björk

~ dedicated to Colors ~

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